Apiculture traditionnelle : voyage au cœur d’un savoir-faire ancestral menacé
Le miel, cet or liquide aux arômes envoûtants, ne naît pas seulement du nectar butiné par des abeilles travailleuses. Il est aussi le fruit d’un savoir-faire millénaire, l’apiculture traditionnelle, transmise de génération en génération à travers le monde. De l’Éthiopie à la Corse, en passant par l’Argentine, cette pratique artisanale fait vivre des milliers de familles, tout en jouant un rôle clé dans la pollinisation et la préservation des espèces mellifères. Mais aujourd’hui, elle est plus que jamais menacée.
L’Éthiopie : berceau de l’apiculture ancestrale
Sur les hauts plateaux de Lalibela, en Éthiopie, pays qui abrite certaines des plus anciennes colonies d’abeilles, l’apiculture traditionnelle est une pratique sacrée. Bossi, une apicultrice de 47 ans, fabrique encore ses ruches à la main, selon une technique ancestrale mêlant bouse de vache, terre, cendre et paille. Ce modèle de ruche tronc demande près de vingt jours de fabrication et témoigne d’un respect profond pour le monde des abeilles.
Dans les ruchers perchés à flanc de falaise, les essaims d’abeilles produisent un miel biologique réputé pour ses vertus médicinales. Dans certaines églises rupestres comme Bilbila Giorgis, des abeilles noires sont même vénérées. Leur gelée royale et leur propolis sont récoltées une fois par an, lors d’une cérémonie sacrée. Ce produit de la ruche, aussi rare que précieux, finance l’éducation des enfants et soutient une économie locale fragilisée par la sécheresse et la mortalité des abeilles.
Argentine : le combat des apiculteurs face au climat et aux pesticides
À des milliers de kilomètres, dans le delta du Paraná, en Argentine, les apiculteurs professionnels comme Carlos et Cristian luttent pour préserver leur cheptel. L’apiculture traditionnelle y est mise à rude épreuve par les inondations dues au dérèglement climatique, mais surtout par l’agriculture intensive. Le glyphosate et autres insecticides issus de la culture du soja transgénique contaminent les plantes mellifères, réduisant drastiquement les zones de butinage.
La contamination de l’eau tue non seulement les pollinisateurs, mais compromet aussi la production de miel. Des milliers de ruches d’abeilles sont abandonnées, incapables de fournir un miel pur exempt de résidus chimiques. La mortalité hivernale explose, et les matériels apicoles restent inutilisés dans des mielleries silencieuses. L’aide gouvernementale se fait attendre, tandis que les apiculteurs amateurs désertent le métier.
La Corse : un écrin préservé pour le miel et la biodiversité
En Corse, l’apiculture traditionnelle résiste encore. Sur cette île aux mille floraisons, la transhumance est un art. Pierre Carli, apiculteur professionnel, déplace ses ruches Dadant entre les vallées de châtaigniers, les côtes de lavande sauvage et les forêts de sapins.
Grâce à cette pratique, il récolte des miels d’exception : miel de châtaignier, miel toutes fleurs, miel de bruyère ou encore miel de romarin, tous riches en arômes et en sucres naturels comme le fructose et le glucose. Dans sa miellerie artisanale, l’extraction du miel se fait à l’extracteur, après avoir soigneusement désoperculé les alvéoles.
Les abeilles mellifères corses, peu exposées aux néonicotinoïdes, bénéficient d’un environnement sain. Leur couvain est vigoureux, les reines fécondées sont sélectionnées avec soin. La vente de miel se fait en vente directe, dans le respect du terroir, du miel bio et des pratiques apicoles durables.
Pourquoi la sauvegarde de l’apiculture traditionnelle est cruciale
Qu’il s’agisse des ruchers kényans d’Éthiopie, des essaims affaiblis en Argentine ou des ruches bourdonneuses en Corse, un constat s’impose : l’apiculture traditionnelle est en danger. Le varroa, les frelons asiatiques, les parasites, les phytosanitaires et le changement climatique mettent en péril la vie des abeilles. Or, sans butineuses, pas de pollinisation. Et sans pollinisation, plus de plantes mellifères, de fruits, ni de pain d’épices.
Comme l’affirme l’UNAF (Union Nationale de l’Apiculture Française), il en va de notre sécurité alimentaire. Préserver les produits de la ruche, c’est aussi préserver notre avenir. Des initiatives telles que « parrainer une ruche », des formations en école d’apiculture ou l’adoption de méthodes de récolte artisanales sont essentielles pour transmettre ce patrimoine aux générations futures.
Conclusion : faire son miel d’un savoir en péril
À travers le monde, les apiculteurs font face à un défi colossal : préserver un métier d’apiculteur vieux de plusieurs millénaires. L’apiculture traditionnelle, véritable sentinelle de l’environnement, mérite reconnaissance et soutien. Si nous voulons continuer à acheter du miel de qualité, goûter au miel de tilleul, au miel d’acacia, au miel de sapin ou savourer de simples bonbons au miel, il est temps d’agir. Sauver les abeilles, c’est aussi nous sauver nous-mêmes.